EN QUETE DE SOI - Episode #26

Féminin abusé Masculin Guerrier - Yin Yang en guerre

Le couple change la donne et m’oblige à voir ce que j’ai mis au fond du sac, m’indiquant la voie à suivre : le chemin vers ce féminin meurtri et ignoré. Et l’apaisement d’un masculin trop guerrier et en colère.

Je rejette encore ma féminité. Je ne suis pas en accord avec cette partie. Je cherche ma place. Toujours le « cul » entre deux chaises… Mais de moins en moins, dans les yeux de mon conjoint… Grâce à mon couple, je reprends ma place petit à petit.

Pour entendre ces parties blessées en moi qui crient et que je n’entends pas, parce que les messages intérieurs vacillent entre mes convictions et celles de ma lignée, je dois me détacher complètement de mes parents. Couper le cordon une bonne fois pour toutes.

J’étais persuadée de l’avoir déjà fait, mais je vois bien qu’il reste des stigmates, et que je cherche encore à leur plaire.

Il est temps de procéder à la sincère séparation émotionnelle avec ma mère. En tant que femme. Car je ne suis plus sa petite fille, et je ne suis pas sa mère non plus. Parce que nous dansons un peu sur les deux registres, elle et moi. À trop vouloir la prendre en charge, l’aider à trouver sa propre voie spirituelle, la soutenir, parfois on se demande qui est la mère de qui… Et notre relation a été trop fusionnelle parfois.

Nous en avons longuement discuté, elle et moi. Cela a été difficile, parce qu’il fallait me couper d’un être semblable à moi, ce qui engendrait la peur de me sentir seule, séparée et différente.

Il a fallu réussir à passer de la fusion inconsciente à la séparation concrète, sans me sentir affectée par sa culpabilité à ne pas avoir été la mère parfaite. J’ai toujours eu envie de l’aider à se réaliser, comme si elle n’avait pas reçu les outils nécessaires à sa propre évolution. Mais je ne savais pas toujours où était ma place. D’ailleurs, en voulant « aider » ma famille, je me suis montrée parfois intrusive…

Je pensais que mon chemin pouvait les aider à se réaliser eux aussi.

Pas évident de comprendre à ce moment-là que c’est par l’exemple qu’on aide l’autre, pas par les conseils.

Je me prendrai quelques remarques qui me remettront à ma place. Retour de bâton. Et surtout, j’apprendrai à accepter que nous avons chacun notre temps, notre façon de vivre et que la mienne n’est pas mieux que la leur.

Cela arrive souvent quand on démarre un chemin spirituel : on voudrait amener tout le monde sur celui-ci, persuadé que ce qui a réussi à l’un va réussir à tous et toutes.

Durant nos échanges, ma mère m’avoue avoir eu du mal à me voir devenir femme. Peut-être que, inconsciemment, je suis restée petite fille pour lui plaire ?

Ce qui est sûr, c’est qu’à travers le couple, je reprends ma place de femme. Et vis-à-vis de ma mère, je me sens femme malgré ses propres difficultés à passer ce cap. Comme si cela la mettait en danger, dans le sens de ne plus trouver sa place. Ce moment de détachement où la mère n’a plus à s’occuper de ses petits, les laissant vivre leur vie, ce qui implique qu’elle a maintenant le temps de s’occuper d’elle. Mais est-ce confortable de se retrouver face à soi-même quand on a passé sa vie à éduquer ses enfants ?

Le sujet de la mère est compliqué, il existe un lien fort dû à la conception même. On peut voir la mère soit comme une mère formidable qui saurait nous materner et nous protéger, soit la mère terrible qui nous paralyse.

Mais je comprends que la mère puisse devenir une cible commode pour une fille désorientée dans une société qui glorifie tout ce qui est masculin. Double peine.

Je réalise que les mères sont tenues pour responsables de la personnalité de leurs enfants devenus adultes! Elles sont donc soit de bonnes mères, soit de mauvaises mères. Comme si tout venait d’elles… Sans compter qu’il n’y a pas de respect pour son rôle au sein de la famille et de la société. Elles supportent toutes les charges, et ce, sans aucune reconnaissance financière. Du coup, elles sont présentées comme inférieures, passives, dépendantes, séductrices, manipulatrices et impuissantes…

C’est à ce moment-là que je commence à réellement m’intéresser aux femmes qui m’entourent et à la maternité. Je n’ai jamais pris le temps de me poser la question de si je souhaitais être mère. Avec Gaël, c’est possible. Mais en ai-je rêvé? Quand j’écoute ces mères, elles ont beau me dire que c’est merveilleux, je ne les trouve épanouies comme mère que lorsqu’elles ont aussi réussi en tant que femme. À quelques exceptions près. Mais pour la majorité, si je me mets en état de réceptivité, je peux ressentir parfois une sorte de charge qui ne rend pas toutes les mères heureuses.

Des spectacles ont fleuri depuis, autour de la figure de la mère, déculpabilisant celles-ci et leur permettant d’oser dire que parfois, être mère, c’est difficile et usant.

Je n’ai jamais entendu une mère me dire qu’elle regrettait d’avoir donné la vie, mais j’en ai entendu plus d’une me confier combien elles s’étaient oubliées ou pas autorisées à vivre autre chose que la maternité… Et parfois l’enfant peut devenir une excuse inconsciente pour ne pas franchir le pas de la réalisation personnelle, invoquant le temps, la disponibilité.

La charge de travail entre vie professionnelle et vie personnelle, pour une femme, me paraît une montagne de stress qui ne m’attire pas du tout. Tout comme rester à la maison pour uniquement élever ses enfants. Ni l’un ni l’autre. Je ne suis sûre de rien et j’espère le rester. Il n’y a rien de pire que d’être convaincue, parce que cela rend la vie rigide. Alors j’essaie de rester souple à chacune de mes expériences.

Comme à chaque interrogation, je prends le taureau par les cornes et me plonge dans une nouvelle odyssée intérieure. C’est quoi, être une femme ?

Je suis cernée par des femmes « bonhommes », des guerrières. Va-t-il encore falloir me battre ? Je l’ai fait toute ma vie. Avec un burn-out au passage. Je veux bien agir pour aller vers un but plein de sens mais je ne veux plus forcer le destin en agissant comme une conquérante. Cela me fatigue trop !

Je me rends compte que j’ai un mal fou à trouver un modèle inspirant féminin autour de moi. Il va donc falloir inventer, sculpter ma vie comme une œuvre d’art.

Voilà mon défi ! Ma nouvelle quête. Alors, comme à mon habitude, et merci à ma partie yang masculine toujours désireuse d’agir, je prends le temps d’observer quelques amies créatrices et entrepreneuses, de surfer sur le net pour réaliser que le monde regorge de femmes incroyables souvent réduites au silence ou peu exposées médiatiquement.

Idem pour les religions. Dans l’Ancien Testament, on parle d’une Ève séductrice. La sexualité féminine y est dépeinte pleine de tabous depuis plus de cinq mille ans. C’est normal que nous, les femmes, soyons complètement perdues entre ce qui a été inculqué par la société et ce que la révolution sexuelle a permis de faire voler.

Entre les deux, il nous faut un temps de découverte et d’adaptation à une nouvelle façon de voir la femme. Nous désintoxiquer de cette idée de la séparation de l’Esprit et du corps (la chair est diabolisée), que la seule manière d’obtenir l’Esprit, serait de nier le corps, de transcender la chair. Et de mourir. J’ai plutôt l’impression que l’Esprit s’expérimente à travers la chair, car sans corps, comment expérimenter l’Esprit ?

Vaste sujet… Il est temps que je trouve mes propres archétypes afin de pouvoir m’identifier, si nécessaire.

Je me promets de m’intéresser davantage au monde des Déesses avec Marie Madeleine, Isis, Ishtar, Lilith, Hécate, Brigit, Kali, Inanna, Belisama… Retour sur les rites sacrés autour de la féminité.

La société a détruit le féminin. C’est à nous de nous reconstruire pour lui redonner sa place. Je mesure l’enjeu. C’est important pour l’avenir de notre planète. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans une société à trop forte domination masculine, car cela crée un déséquilibre.

La vie est constituée des deux parties, féminines et masculines. Si l’une est reniée, c’est une société entière qui se néglige. Nous devrions tous être féministes, puisque c’est une partie de nous. Et rejeter une partie de nous, c’est être voués à la souffrance. Il y a urgence à accepter notre totalité d’être. Voici mon nouveau challenge, malgré cette sensation persistante d’être le sexe inférieur, ce qui m’a rendue perfectionniste et sujette au surmenage.

Je veux récupérer les fragments éparpillés de mon être, aller à la découverte de mes sentiments complexes, des intuitions et de la créativité. Il faut soigner cette blessure profonde de sentiment d’infériorité, avoir le courage de vivre mes paradoxes. Et un jour, je pourrai alors répondre aux besoins des autres tout en valorisant mes propres besoins et en les comblant. C’est alors que je serai complète.

La parole veut se libérer, les femmes veulent agir (ce qui viendra avec le mouvement #MeToo et #TimesUp, entre autres… et un tas d’associations de femmes que je découvrirai plus tard).

 À ce moment de ma vie, les médias offrent une tribune à quelques femmes, dont je croquerai le portrait afin d’éclater mon propre plafond de verre inconscient. Élisabeth Badinter, Simone Veil, Marguerite Duras, Agnès Varda, Christiane Singer, voilà quelques figures féminines inspirantes, indépendantes, ambitieuses, soucieuses de la condition féminine.

Il y a aussi toutes ces femmes du passé comme Coco Chanel, Marie Curie, Agatha Christie, Olympe de Gouges ou spirituelles comme Amma, Sainte-Thérèse d’Avila. Sans parler de celles qui osent créer de nouveaux modèles de vie et dont je lis les parcours dans les magazines, les rencontres avec des femmes entrepreneuses, les créatrices, les mouvements de paroles comme Tedx.

Je peux renier ma féminité un temps, sûrement parce que je n’ai pas vu ce modèle épanoui dans mon éducation, cette image d’une femme incarnant les aspects entiers de sa nature féminine, ludique, sensuelle, passionnée, nourricière, intuitive, créative… Mais je sens que la femme a tout cela en elle, et même plus encore.

Personne ne nous a pas appris à aimer notre féminité. Ces femmes nous ouvrent la voie. Je me sens appelée comme jamais à m’engouffrer dans cette conquête de ma véritable nature, comme un pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle, à la découverte de quelques miracles qui verraient le jour… même si la société ne nous aide pas.