EN QUETE DE SOI - Episode #31
Comment aimer être une femme ? La guérison du féminin meurtri
J’ai passé beaucoup de temps sur la quête paternelle et la guérison de ce masculin trop guerrier. Il est temps d’écouter la totalité de mon être.
L’endométriose m’a parlé. Cette partie de mon être demande sa place. Ne pas être qu’une moitié. Mais une entité. Une unité.
J’ai passé ma vie à vouloir tout comprendre. Je peux lire tous les livres de la Terre, rien ne remplacera la véritable expérience de la chair. Le corps, ce véhicule que j’ai négligé au profit du mental, de l’esprit.
J’aimerais partager cela avec mes amies femmes. Parfois, je ressens plus de rivalité que de solidarité entre nous. Ce qui s’explique par l’Histoire. Quand une femme ne pouvait exister que par le regard de l’homme, cela ne pouvait créer que des tensions et rivalités entre elles.
Tout a changé, mais c’est si frais dans l’Histoire que je sens cette mémoire encore intacte dans notre ADN. Comme si nous devions réapprendre à vivre ensemble au-delà des codes du patriarcat. En plus, je n’avais pas remarqué cela, mais en écrivant, je prends conscience que les plus grandes trahisons de ma vie viennent de femmes.
Le temps des retrouvailles avec mes sœurs femmes a été le fruit de plusieurs étapes et a commencé pour moi après la lecture du livre Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estés, un livre de chevet ouvert chaque soir pour m’imprégner de cette nouvelle façon de voir la vie. La femme sauvage m’appelle, celle qui crie dans mes entrailles, celle qui danse avec la nature, celle qui est libre. La louve endormie semble se réveiller d’un long sommeil.
Dans un partage ni médical, ni spirituel, je plonge dans la longue tradition des femmes, celle de l’entraide, en fréquentant des cercles, l’équivalent des tentes rouges actuelles. Entre nous, nous pouvons déposer nos fardeaux, trouver une oreille compatissante, partager nos soucis exclusivement féminins, nous retrouver comme autrefois, savoir qu’il existe un endroit bienveillant où personne ne nous jugera, oublier la dictature de la société sur nos corps, notre manière d’être et de vivre, bref, trouver un refuge dans cette jungle…
Dans ces cercles, je ressens une sororité palpable dans l’air, à la différence des soirées « Girl Power » que je faisais avec quelques copines encore trop en colère à mon goût. Boire de l’alcool en crachant sur les hommes, très peu pour moi, cela ne m’intéresse pas. Je comprends le désarroi de certaines, mais je n’ai pas l’énergie ni le temps pour cela. Je veux aimer et non pas juger. Fini le rock’n’roll, place à la douceur…
Ici, chacune de nous est invitée à se présenter. Apparemment, je suis au bon endroit pour trouver cette autre énergie, plus douce que les énergies guerrières de mes autres initiations. J’ai l’impression de retrouver des chamanes qui s’ignorent, ces êtres qui font le lien entre la nature, les animaux et les humains.
Finalement, si je veux me sentir en paix, ne faut-il pas justement que je nage dans toutes les eaux qui me composent? Le féminin et le masculin?
Alors j’élargis mon cercle de connaissances féminines. J’apprends à recevoir d’elles le fruit de leur chemin. J’entends certaines se dévoiler sans pudeur. La présence des femmes, leur chaleur, leur savoir-être me rappellent combien nous pouvons nous entraider. J’avais oublié. J’ai si souvent vu de la rivalité entre femmes que j’en avais oublié l’autre versant : la solidarité, la fameuse sororité.
J’ai l’impression d’avoir enfin trouvé un groupe qui me convient. J’observe chaque femme. Sa beauté. Sa souffrance. Sa vie. Comme Laurène, qui dit combien il était mal vu de ne pas donner la vie pour une femme, à son époque. Combien cela vous écartait de la normalité. Elle raconte les avortements clandestins de sa mère et de ses grands-mères. Des souffrances occasionnées par ces fausses couches incomprises par les autres. Des morts engendrées par ces avortements sauvages, ces blessures inconsolables d’être obligée de tuer la vie quand on a trop d’enfants et peu de moyens. À l’époque, on ne parlait pas de ces choses-là. Laurène se met à pleurer à la fin de cette phrase : « Finalement, nous, les femmes, dans cette famille, nous n’avons jamais été heureuses. » Pour la première fois, elle partage sa fragilité avec sa fille, présente dans le cercle.
Je découvre la vulnérabilité. Et l’espace qui existe pour l’accueillir. Tout me montre que nous sommes là pour apprendre à aimer.
Nous sommes égales devant l’expérience de l’incertitude et de l’inconnu, mais différentes dans notre manière d’appréhender la vie. Et j’ai la chance d’avoir des outils qui n’existaient pas à l’époque de nos mères et grands-mères.
Ici, avec le bâton de parole pour que chacune de nous puisse s’exprimer et se présenter sans être interrompue, je palpe le respect et l’écoute, la bienveillance du groupe, la liberté d’expression, le partage des connaissances. Voilà les codes du cercle.
Il n’y a pas un maître qui sait et des élèves qui écoutent. Il y a un cercle de connaissance partagée. L’énergie féminine semble apporter un halo de douceur palpable.
Toute initiation devrait se faire au masculin féminin.
Les femmes expriment leur ressenti actuel. Cela se passe de jugement. Je me sens en confiance. Et j’écoute avec attention. Je réalise combien notre civilisation nous a éloignées de rites ancestraux, pourtant très porteurs pour notre liberté d’être.
Je me rappelle qu’à une époque, les femmes, ici même, en France, se réunissaient souvent pour honorer des rites païens en lien avec le cycle de la nature. Ce que nous appelons les naturopathes, ostéopathes et guérisseuses ne sont que les descendantes des soi-disant sorcières.
J’ai été contaminée par les dessins animés qui en ont fait un archétype méchant. Une vieille femme porteuse de maléfices. À l’époque où l’on a tué des femmes par milliers sous prétexte d’hérésie et de chasse aux sorcières, on a voulu détruire les rituels qui rendaient les femmes porteuses d’un savoir ancestral pour guérir et aider l’humanité. On les a réduites au silence. Ces femmes vivaient souvent recluses dans la forêt, non pas parce qu’elles étaient méchantes ou affreuses, mais parce qu’elles étaient connectées à la nature et savaient vivre de ses fruits. Elles concoctaient des soins à base de plantes qui servaient à guérir les gens, elles savaient préparer des onctions de protection, des huiles pour le corps, des soins de guérison.
Il me semble que nous sommes appelées à retrouver ces femmes pour réhabiliter ces rites ancestraux afin d’aider la terre à se regorger des énergies qui lui manquent par trop d’indifférence et mépris, tout comme le fait la société envers les femmes et le féminin.
En honorant les femmes, on honore le cycle de la terre. Finalement, tout est lié. On a saboté la terre comme on a saboté notre féminin. Et aujourd’hui, il est urgent de recontacter cette polarité pour rééquilibrer ce monde trop yang, trop masculin, donc déséquilibré. Il ne peut y avoir de paix, si on occulte une partie entière de l’univers. L’univers est autant yin que yang.
Donc oublier le yin, le féminin en nous, montre à quel point on oublie aussi de s’occuper de la terre, notre mère nourricière. Le respect doit commencer par soi et alors il devient évident de respecter l’autre, cet autre que l’on croit différent et extérieur à soi alors qu’il n’est qu’un élément d’un tout dans lequel nous vivons tous, une partie de ce que je suis.
Aujourd’hui, des cercles de femmes fleurissent partout dans le monde, il y a comme un appel dans le cœur des femmes pour changer ce monde trop violent.
Quand il n’y aura plus rien à manger, plus rien à boire, que ferons-nous de toute cette renta- bilité ? Il n’y aura plus de rentabilité ! Il est temps d’ouvrir les yeux : ce qui constitue notre richesse, c’est le sol sur lequel nous vivons. Et je crois qu’une prise de conscience commence toujours par soi. Donc regarder comment l’on se traite, comment l’on écoute son intériorité, comment l’on se cajole, comment l’on vit avec soi-même et ensuite avec les autres, avec la terre, avec le monde.
Il ne peut y avoir d’évolution si on ne se respecte pas.