EN QUETE DE SOI - Episode #31

Comment aimer être une femme ? La guérison du féminin meurtri

J’ai passé beaucoup de temps sur la quête paternelle et la guérison de ce masculin trop guerrier. Il est temps d’écouter la totalité de mon être.

L’endométriose m’a parlé. Cette partie de mon être demande sa place. Ne pas être qu’une moitié. Mais une entité. Une unité.

J’ai passé ma vie à vouloir tout comprendre. Je peux lire tous les livres de la Terre, rien ne remplacera la véritable expérience de la chair. Le corps, ce véhicule que j’ai négligé au profit du mental, de l’esprit.

J’aimerais partager cela avec mes amies femmes. Parfois, je ressens plus de rivalité que de solidarité entre nous. Ce qui s’explique par l’Histoire. Quand une femme ne pouvait exister que par le regard de l’homme, cela ne pouvait créer que des tensions et rivalités entre elles.

Tout a changé, mais c’est si frais dans l’Histoire que je sens cette mémoire encore intacte dans notre ADN. Comme si nous devions réapprendre à vivre ensemble au-delà des codes du patriarcat. En plus, je n’avais pas remarqué cela, mais en écrivant, je prends conscience que les plus grandes trahisons de ma vie viennent de femmes.

Le temps des retrouvailles avec mes sœurs femmes a été le fruit de plusieurs étapes et a commencé pour moi après la lecture du livre Femmes qui courent avec les loups, de Clarissa Pinkola Estés, un livre de chevet ouvert chaque soir pour m’imprégner de cette nouvelle façon de voir la vie. La femme sauvage m’appelle, celle qui crie dans mes entrailles, celle qui danse avec la nature, celle qui est libre. La louve endormie semble se réveiller d’un long sommeil.

Dans un partage ni médical, ni spirituel, je plonge dans la longue tradition des femmes, celle de l’entraide, en fréquentant des cercles, l’équivalent des tentes rouges actuelles. Entre nous, nous pouvons déposer nos fardeaux, trouver une oreille compatissante, partager nos soucis exclusivement féminins, nous retrouver comme autrefois, savoir qu’il existe un endroit bienveillant où personne ne nous jugera, oublier la dictature de la société sur nos corps, notre manière d’être et de vivre, bref, trouver un refuge dans cette jungle…

Dans ces cercles, je ressens une sororité palpable dans l’air, à la différence des soirées « Girl Power » que je faisais avec quelques copines encore trop en colère à mon goût. Boire de l’alcool en crachant sur les hommes, très peu pour moi, cela ne m’intéresse pas. Je comprends le désarroi de certaines, mais je n’ai pas l’énergie ni le temps pour cela. Je veux aimer et non pas juger. Fini le rock’n’roll, place à la douceur…

Ici, chacune de nous est invitée à se présenter. Apparemment, je suis au bon endroit pour trouver cette autre énergie, plus douce que les énergies guerrières de mes autres initiations. J’ai l’impression de retrouver des chamanes qui s’ignorent, ces êtres qui font le lien entre la nature, les animaux et les humains.

Finalement, si je veux me sentir en paix, ne faut-il pas justement que je nage dans toutes les eaux qui me composent? Le féminin et le masculin?

Alors j’élargis mon cercle de connaissances féminines. J’apprends à recevoir d’elles le fruit de leur chemin. J’entends certaines se dévoiler sans pudeur. La présence des femmes, leur chaleur, leur savoir-être me rappellent combien nous pouvons nous entraider. J’avais oublié. J’ai si souvent vu de la rivalité entre femmes que j’en avais oublié l’autre versant : la solidarité, la fameuse sororité.

J’ai l’impression d’avoir enfin trouvé un groupe qui me convient. J’observe chaque femme. Sa beauté. Sa souffrance. Sa vie. Comme Laurène, qui dit combien il était mal vu de ne pas donner la vie pour une femme, à son époque. Combien cela vous écartait de la normalité. Elle raconte les avortements clandestins de sa mère et de ses grands-mères. Des souffrances occasionnées par ces fausses couches incomprises par les autres. Des morts engendrées par ces avortements sauvages, ces blessures inconsolables d’être obligée de tuer la vie quand on a trop d’enfants et peu de moyens. À l’époque, on ne parlait pas de ces choses-là. Laurène se met à pleurer à la fin de cette phrase : « Finalement, nous, les femmes, dans cette famille, nous n’avons jamais été heureuses. » Pour la première fois, elle partage sa fragilité avec sa fille, présente dans le cercle.

Je découvre la vulnérabilité. Et l’espace qui existe pour l’accueillir. Tout me montre que nous sommes là pour apprendre à aimer.

Nous sommes égales devant l’expérience de l’incertitude et de l’inconnu, mais différentes dans notre manière d’appréhender la vie. Et j’ai la chance d’avoir des outils qui n’existaient pas à l’époque de nos mères et grands-mères.

Ici, avec le bâton de parole pour que chacune de nous puisse s’exprimer et se présenter sans être interrompue, je palpe le respect et l’écoute, la bienveillance du groupe, la liberté d’expression, le partage des connaissances. Voilà les codes du cercle.

Il n’y a pas un maître qui sait et des élèves qui écoutent. Il y a un cercle de connaissance partagée. L’énergie féminine semble apporter un halo de douceur palpable.

Toute initiation devrait se faire au masculin féminin.

Les femmes expriment leur ressenti actuel. Cela se passe de jugement. Je me sens en confiance. Et j’écoute avec attention. Je réalise combien notre civilisation nous a éloignées de rites ancestraux, pourtant très porteurs pour notre liberté d’être.

Je me rappelle qu’à une époque, les femmes, ici même, en France, se réunissaient souvent pour honorer des rites païens en lien avec le cycle de la nature. Ce que nous appelons les naturopathes, ostéopathes et guérisseuses ne sont que les descendantes des soi-disant sorcières.

J’ai été contaminée par les dessins animés qui en ont fait un archétype méchant. Une vieille femme porteuse de maléfices. À l’époque où l’on a tué des femmes par milliers sous prétexte d’hérésie et de chasse aux sorcières, on a voulu détruire les rituels qui rendaient les femmes porteuses d’un savoir ancestral pour guérir et aider l’humanité. On les a réduites au silence. Ces femmes vivaient souvent recluses dans la forêt, non pas parce qu’elles étaient méchantes ou affreuses, mais parce qu’elles étaient connectées à la nature et savaient vivre de ses fruits. Elles concoctaient des soins à base de plantes qui servaient à guérir les gens, elles savaient préparer des onctions de protection, des huiles pour le corps, des soins de guérison.

Il me semble que nous sommes appelées à retrouver ces femmes pour réhabiliter ces rites ancestraux afin d’aider la terre à se regorger des énergies qui lui manquent par trop d’indifférence et mépris, tout comme le fait la société envers les femmes et le féminin.

En honorant les femmes, on honore le cycle de la terre. Finalement, tout est lié. On a saboté la terre comme on a saboté notre féminin. Et aujourd’hui, il est urgent de recontacter cette polarité pour rééquilibrer ce monde trop yang, trop masculin, donc déséquilibré. Il ne peut y avoir de paix, si on occulte une partie entière de l’univers. L’univers est autant yin que yang.

Donc oublier le yin, le féminin en nous, montre à quel point on oublie aussi de s’occuper de la terre, notre mère nourricière. Le respect doit commencer par soi et alors il devient évident de respecter l’autre, cet autre que l’on croit différent et extérieur à soi alors qu’il n’est qu’un élément d’un tout dans lequel nous vivons tous, une partie de ce que je suis.

Aujourd’hui, des cercles de femmes fleurissent partout dans le monde, il y a comme un appel dans le cœur des femmes pour changer ce monde trop violent.

Quand il n’y aura plus rien à manger, plus rien à boire, que ferons-nous de toute cette renta- bilité ? Il n’y aura plus de rentabilité ! Il est temps d’ouvrir les yeux : ce qui constitue notre richesse, c’est le sol sur lequel nous vivons. Et je crois qu’une prise de conscience commence toujours par soi. Donc regarder comment l’on se traite, comment l’on écoute son intériorité, comment l’on se cajole, comment l’on vit avec soi-même et ensuite avec les autres, avec la terre, avec le monde.

Il ne peut y avoir d’évolution si on ne se respecte pas.

 

Nous sommes des êtres de paradoxes, prêts à défendre bec et ongles certains animaux pendant qu’on mange d’autres espèces. Qui a décidé de la hiérarchie de la vie sur cette planète ? C’est intolérable.

Nous serions passés du stade animal au stade humain, et maintenant nous passons vers le stade divin. C’est-à-dire avec une conscience de plus en plus subtile qui englobe toute vie, toute énergie et qui sait utiliser son cerveau de mille manières.

Nous avons dépassé le stade instinctif, même si ce mode existe en nous dans le cerveau reptilien, nous ne sommes pas qu’animal. Nous sommes plus que cela. Et en ce sens, pouvons-nous assumer la responsabilité du respect de la vie, car nous avons le cerveau pourvu de cette capacité d’empathie. Empathie envers toutes formes de vie. Empathie envers notre prochain. Empathie envers soi-même pour aimer ce qui est à chaque instant.

Le temps des retrouvailles a commencé, comme lorsque dans les temps anciens, nous lavions notre linge ensemble. Ces moments de partage ont disparu dans une vie aseptisée par la modernité. J’aime mon lave-linge, mais je regrette de ne pas voir plus souvent des femmes se réunir. Heureusement, ici et ailleurs, fleurissent des groupes de femmes. La fameuse sororité, la « consorie », la fraternité au féminin…

Je vois de plus en plus de femmes s’émanciper. Se libérer de l’esprit de compétition et de la jalousie dans une envie d’entraide, malgré les nombreuses peurs qui nous assaillent encore. Car nous ne sommes pas habitués à la solidarité féminine pour la plupart, malgré la révolution sexuelle. Nous apprenons ou réapprenons ce que nous avons perdu en route…

Mais nous sommes toutes d’accord sur le fait qu’il est temps de sortir de l’indifférence et du mépris envers les femmes et le féminin. Il faut en finir avec ce contrôle de l’homme sur la nature et sa prise de pouvoir sur les femmes.

La femme risque de faire encore peur à ces hommes consuméristes, parce qu’elle touche à ce qui est exploité : la nature reproductrice des femmes (le patriarcat), les animaux (l’élevage) et la terre (l’agriculture intensive).

Les femmes peuvent aider les hommes à prendre conscience qu’il faut arrêter de presser la planète comme un citron. Nous, les femmes, en général, n’avons pas besoin de contrôler la nature. Nous l’aimons. Elle fait partie de nous.

Les artistes peuvent faire évoluer la société vers plus d’humanité, car il ne s’agit pas de convaincre mais de parler au cœur.

Et le métier d’artiste n’est rien d’autre que cela. D’ailleurs, j’entends parler de créativité dans ce cercle. De la difficulté à accepter cette part créative en nous au profit de la partie productive. Créer n’est pas un métier, pour beaucoup de nos contemporains. Ma voisine Céline raconte qu’il lui a fallu longtemps pour ne pas se sentir coupable de choisir une voie différente. Quand elle est avec des gens, elle a toujours un peu de mal à dire qu’elle est artiste, comme si le fait de créer était de la chance. Elle a choisi d’être, et non de faire ce qu’on voulait d’elle. Le problème, c’est qu’elle n’assume pas complètement.

Elle se répète souvent cette phrase qu’on lui interdisait quand elle était enfant : « Je peux me faire plaisir! J’ai le droit de vivre de mon art, de gagner de l’argent, en vivant une vie de plaisir, de bonheur et non une vie où il faut souffrir pour avoir l’impression de mériter ce qu’on gagne. Ceci est une croyance héritée du milieu ouvrier catholique dans lequel j’ai grandi. M’interroger sur ce monde pour m’améliorer, réfléchir à des solutions, apporter du rêve, proposer une autre vision, cela demande à s’extraire du connu pour s’autoriser à vivre autrement, différemment et parfois avec le sentiment d’être jugée et non reconnue. Mais j‘ai pris l’habitude. Je me suis toujours sentie différente, partout où j’étais. Pas que les autres soient mieux ou moins bien. Non, juste que c’est souvent avec les autres artistes et les personnes spirituelles que je me sens le mieux. Or, ce n’est pas la majorité des personnes qui m’entourent. C’est pour cela que je suis avec vous ce soir. Pour me sentir plus proche. Plus en sécurité. Reconnue dans ma différence. Dans la femme créatrice que je suis devenue. »

Bingo, ses mots me vont droit au cœur. Applaudissements. Décidément, ces femmes partagent une parole chaleureuse et bienveillante. Les écouter berce mon cœur. Et me donne espoir d’un changement. J’en ai les larmes aux yeux.

Il y a aussi Isabelle qui parle de l’ego qui veut du résultat trop vite, du succès en permanence. Travaillant dans les ressources humaines, elle vient de faire un burn-out. Elle a alors quitté l’entreprise pour se lancer en indépendante, après plusieurs formations, dans le conseil sur le leadership éthique. Sa vie a changé. Elle me fait penser à notre cycle féminin : conception, gestation, accouchement. Renaissance. Elle raconte ensuite sa culpabilité par rapport au fait d’avoir du plaisir dans son activité. Du plaisir à conseiller sans attente. Et encore mieux, du plaisir à gagner de l’argent avec ses conseils.

L’argent ! Gros dossier. Pourtant qu’est-ce que l’argent, si ce n’est une énergie d’échange ?

Elle donne des conseils, les gens paient pour les recevoir, et ainsi le donner-recevoir fonctionne à merveille. Son histoire trouve une résonance particulière dans la mienne.

Je n’ai jamais assimilé l’argent au plaisir, mais au labeur. Et pourtant, je sens qu’il y a cette autre voie.

Gagner de l’argent en se faisant plaisir : plaisir de créer, de donner, de recevoir, de partager, d’aimer, de faire plaisir, le plaisir de collaborer, d’échanger, de vivre.

Aujourd’hui, cette jeune femme apprend aux autres femmes à vivre dans le plaisir sans culpabilité, à s’accomplir sans douleur. Bravo ! Cela me parle complètement…

Pourtant, j’observe combien il est difficile de gagner sa vie en tant qu’artiste. La musique, les films, la culture en général deviennent de plus en plus gratuits. Comme un dû. Pourtant, l’artiste (le/la créateur·trice) travaille dur pour partager sa création. Pour quelques minutes ou heures passées avec le public, combien de jours à créer ?

Pour beaucoup, la motivation se trouve dans ce temps où le public aura eu cette étincelle divine dans l’iris, quand cœurs et âmes auront été touchés par l’œuvre. N’est-ce pas une raison suffisante pour rétribuer l’artiste ?

Pourquoi certains râlent à l’idée de payer quelques euros pour vivre des émotions devant un spectacle ou découvrir une exposition, quand ils sont prêts à dépenser des centaines d’euros pour de la technologie ?

L’un n’empêchant pas l’autre, bien entendu ! Mais n’est-ce pas aussi important de découvrir l’art comme un témoin de notre époque plutôt que de combler un vide en consommant à outrance ? Tout cela me conforte dans mon envie de créer…

Peu à peu, je me découvre possédant plus de douceur. Plus d’empathie. Plus de qualités féminines. Je reste encore confuse sur mon envie de maternité. Partagée entre l’idée d’une population de plus en plus nombreuse, une démographie galopante à une époque où les ressources deviennent limitées, conséquence d’une consommation délirante, et l’impression que mon rôle de femme me demande d’enfanter, sans quoi je ne remplirais pas ma fonction. Et en même temps, je me dis qu’il y a différentes façons d’être femme. C’est assez trouble.

Après la guerre, nous devions repeupler nos pays, mais aujourd’hui ne devrions-nous pas être raisonnables sur la natalité ? Vouloir faire plus de deux enfants, est-ce raisonnable dans le monde d’aujourd’hui? Au-delà des croyances religieuses, sociales et culturelles, nous devons nous poser la question des ressources pour nos enfants.

Soit nous changeons notre façon de vivre et de consommer et nous pouvons imaginer un avenir avec nos enfants, soit notre planète ne pourra continuer à supporter autant de consommation et nous risquons l’extinction de notre espèce à force de détruire l’écosystème, la branche sur laquelle nous sommes assis.

Voilà où j’en suis dans mes réflexions. Et comme je le partageais au début du récit, je n’arrive pas à penser uniquement pour ma paroisse. Je ne peux m’empêcher de penser global.

Je suis en chemin et je me nourris grâce aux cercles de parole, la nourriture féminine m’abreuvant de réflexions sur ma condition d’être humaine dans ce genre que certains ont nommé le deuxième sexe. Tout point de vue m’intéresse et vient me nourrir. Même des réflexions différentes que je n’aurais pas imaginées.

Tant de points de vue différents ! Quelle richesse que de les écouter. Un soir, une femme de caractère, Brigitte, qui se définit elle- même comme une fouineuse, une rebelle, pas du genre à gober tout ce qu’on lui sert comme information, nous raconte avoir fait sa propre enquête pour se faire sa propre opinion sur un point important, et clivant malgré les apparences. Le féminisme. En effet, selon elle, aujourd’hui, parce qu’on est femme, il faudrait revendiquer son féminisme à outrance sous peine de passer pour une « goujate » aux yeux des autres femmes. Sa pensée est la suivante : si le féminisme représente un mouvement politique, ce serait intéressant de savoir pourquoi une société machiste a laissé croître un mouvement politique de cette nature. Elle est persuadée qu’on nous a fait croire que le féminisme était un mouvement de la libération de la femme. Pure manipulation, selon ses recherches.

C’est en fait un mouvement créé pour la lutte des sexes et des classes. Toujours avec cette volonté de créer de la division. Diviser pour mieux régner, un concept qui existe depuis des siècles. Et ça fonctionne !

Il est vrai que ce mouvement a été salué et embrassé par de nombreuses femmes, parce qu’en effet il n’était plus supportable d’être traitées comme des êtres de seconde zone. Mais ce mot a contaminé la société en créant de la division. Elle dit que le mouvement féministe n’a pas été créé par des femmes.

L’idéologie a été lancée en petit comité politique d’hommes pour doubler le nombre de payeurs d’impôts. Comment? En jouant sur l’émotionnel et sur l’envie légitime des femmes de s’émanciper. Et quoi de mieux que de mettre les femmes au travail, dissolvant ainsi la cellule familiale, créant une société fragilisée avec de futurs enfants déconnectés de leurs parents, donc livrés à eux-mêmes trop tôt…

Plusieurs femmes dans le cercle réagissent par des soupirs, certaines sont prêtes à bondir, partagées devant cet angle de vue proposant une vision inédite. Un malaise s’est installé dans la salle. Brigitte reprend son discours, très sûre d’elle. Elle raconte être passée par différentes étapes dans sa vie pour retrouver sa profonde féminité. Et ce qu’elle a vu, c’est un malaise constant des femmes actives, avec une insatisfaction chronique parce que coupées de leurs fonctions naturelles. Et le pire, c’est l’illusion de liberté alors que le système nous maintient dans la consommation et la compétition avec l’homme. La femme est devenue un bouc émissaire.

Une femme présente réagit violemment : « Non, tu ne peux pas dire ça, nous nous sommes battues pour avoir plus de liberté ! »

Et Brigitte, toujours aussi sûre d’elle, de répondre quelque chose du genre : « Oui, tu as raison, pour nous battre, nous nous battons ! Mais qu’avons-nous gagné ? La pilule ? Un médicament chimique porteur de cancers ? Des salaires inférieurs à travail égal ? La course entre vie familiale, vie amicale et professionnelle avec des burn- out à la clé puisque la femme fait souvent des doubles journées? Et le summum… Un pénis psychologique pour la plupart d’entre nous ! Nous ne savons plus être des femmes, et les hommes des hommes ! Nous sommes devenus des mutants. Regardez nos enfants ! Ils portent tous des habits unisexes.

Le féminisme a été créé pour stériliser les deux sexes.

Conséquence ? Les femmes refusent le mariage et la maternité, et les hommes sont devenus incapables de se sacrifier pour leur famille. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Henri Makow. Lisez-le. C’est intéressant ! On pourrait croire en effet que ce sont des idées dépassées. Eh bien moi, je vous le dis, je ne crois pas que la majorité des femmes soient heureuses à vouloir vivre comme les hommes. Et je ne crois pas que les hommes soient heureux de trouver des femmes avec un pénis psychologique.

L’identité sexuelle a du sens. En détruisant cela, les hommes se sentent inutiles et impuissants, et les femmes rejetées et non aimées.

J’étais convaincue que mon indépendance était synonyme de liberté. Un temps, oui. Puis, j’ai grandi. Dans une profonde dépression, j’ai compris que je m’étais laissée manipuler par la société.

Je ne voulais rien d’autre que l’abandon, me sentir protégée par mon homme, lui laisser sa place, son pouvoir masculin. Et avoir la liberté d’élever mes enfants comme bon me semble. J’ai vu que travailler huit à douze heures par jour ne m’apportait pas le bonheur. J’avais perdu le sens de ma vie. Être nourricière, aimante, porteuse de vie, voilà ce qui me ravissait. »

Quelle merveille d’écouter ce parlement au féminin! Chacune peut partager son ressenti, réfléchir à sa condition.

L’une d’entre elles se met en colère. Indépendante et féministe jusqu’au bout des ongles, elle ne supporte pas le discours de Brigitte, qui lui répond : « Regarde ta colère ! La division entre nous a commencé ! Le système est tellement bien fait que nous allons bientôt créer des guerres entre femmes. Le bouc émissaire à nouveau ! Je vous le dis !

Écouter votre véritable nature, qui est d’être nourricière d’une famille, d’un enfant ou d’une communauté. Sinon vous serez arides et sèches. Nous devons retrouver notre identité sexuelle parce qu’une société homogène est une société qui court à sa perte ! Et arrêtons de nous mettre dans des cases ! Féminisme ? C’est quoi, le pendant masculin? Masculinisme? Encore un moyen de mettre deux mouvements en opposition! Ras-le-bol! Je ne veux plus alimenter toute cette merde ! Je suis humaniste et citoyenne du monde. Et chacun avec nos différences ! Et nos différences valent de l’or. Voilà j’ai tout dit pour aujourd’hui! ».

Je reste sans voix, déstabilisée par autant d’aplomb et de charisme. Je ne connais pas ses références, comme cet Henri Makow. Mais ses arguments dérangent mes convictions. Elle m’oblige à reconsidérer ce que je croyais être issu de mes pensées. Suis-je manipulée par une pensée dominante ?

Je veux me sentir libre d’être qui je veux. Chacun·e de nous sur cette planète devrait avoir le droit de jouir de sa liberté d’être. Que nous soyons hétérosexuelles, homosexuelles ou transgenres, nous devrions pouvoir jouir de la liberté d’expérimenter notre vie comme nous l’entendons.

Pour nous, les femmes, il me paraît intéressant d’observer que nous avons fait la révolution sexuelle pour en arriver à copier le modèle masculin sur certains aspects et sur notre manière d’être ! Quelle drôle d’idée !

Je crois que nous sommes en colère parce que justement, on ne nous entend pas assez. Et il faut souvent taper du poing sur la table, pour exister dans ce monde, il faut s’imposer. Fini le temps de la femme serviable qui attend sagement qu’on l’autorise à exister.

La phase qui vient après la colère me semble être le pardon puis l’action. Agir, mais sans avoir à se travestir dans des comportements masculins, souvent pas les meilleurs. Nous pouvons créer le changement que nous souhaitons en tant que femmes, en nous entraidant sans avoir à se la jouer bonhomme, avec des « couilles ».

On peut avoir du courage, de la fierté et de la puissance, sans devoir dominer l’autre, l’écraser. Or, j’ai la sensation que beaucoup de femmes se sont perdues en route en voulant imiter les hommes. Il n’y a pas à imiter. Il y a à prendre notre place avec nos spécificités.

Vu que le monde demeure très masculin, que les postes à responsabilité sont pris par les hommes en général, il faut se battre… Sauf si on crée nos propres structures, réseaux, sociétés tout en bossant avec des hommes ouverts à ce changement, à cette possibilité de laisser gouverner des femmes. Pourquoi aller se battre contre ? Petit à petit, nous pourrons distiller notre particularité.

Nous sommes nourricières. Certaines aiment rester à la maison, à créer, à éduquer leurs enfants, d’autres à conquérir les sommets, à entreprendre, à faire de la politique… Qu’importe. Ce qui compte, c’est d’avoir le choix d’être qui nous sommes sans devenir esclaves ou jalouses. Nous accepter comme nous sommes dans la vie que nous choisissons pour notre équilibre. Et les hommes devraient aussi faire de même…

Celles qui veulent agir en douceur ne doivent pas se sentir coupables, et vice versa. Chacune a son utilité et sa place à prendre.

Et si on vit en couple, c’est en coopérant qu’on trouvera ce qui nous convient. Nous devrions être deux personnes indépendantes, heureuses de partager nos vies. Sortir des rapports dominants/dominés. Et pour ça, il faut travailler sur soi pour ne pas faire supporter à l’autre le poids de nos névroses.

Je suis convaincue qu’une fois la colère digérée, on peut s’atteler à changer les choses en douceur, en effet. 

Faut dire que la pilule a du mal à passer. Tous ces milliers d’années de domination, d’humiliation, de laissées-pour-compte. Ce n’est pas facile à accepter.

Mais je suis convaincue que ce qui fera de nous des êtres différents, c’est justement de ne pas sombrer dans l’aspect guerrier du combat. Mais de changer les choses en prenant soin de ce qui compte pour nous. Pas en l’attaquant.

Il suffit de voir les tensions qu’ont créées les vitrines médiatiques du mouvement #MeToo pour comprendre que nous touchons là à un sujet brûlant. La colère vient de si loin.

J’ai observé le profil des femmes qui se sont blindé le cœur. Souvent en réaction à un père négligent. Elles se sont identifiées à l’ego. Comme leur père ne leur a pas donné ce dont elles avaient besoin, elles ont appris à se débrouiller seules. Alors OK, leur armure les protège pour se faire entendre dans le monde professionnel, et encore… Mais elle les protège aussi de leurs sentiments féminins et leur côté tendre. D’ailleurs, ce sont souvent des femmes célibataires qui se privent de leur aspect créatif. Elles entretiennent souvent des relations malsaines avec les hommes. 

Je comprends ces femmes en colère qui pensent qu’il faut avoir des « couilles » pour s’en sortir, mais aussi celles qui agissent sans agressivité. Tout dépend du chemin parcouru et de l’éducation reçue.

Une jeune fille dans un milieu social difficile, soumise au sexisme et racisme au quotidien dans une cité HLM où l’avenir semble réduit, va lui dire de ne pas se rebeller ! C’est dur.

Mais peut-être qu’ensemble, avec d’autres femmes, elle peut trouver une voie salutaire, où elle sera entendue sans avoir à passer par la violence. Il est possible de trouver un exutoire pour libérer trop d’émotions. Le sport, la danse, la boxe, le yoga, le théâtre que sais-je encore ?

Vivre dans la violence ne doit pas forcément devenir un modèle sous prétexte qu’on reproduit là où l’on vient. Loin de moi l’idée de stigmatiser la cité HLM en l’associant à la violence mais je voulais juste souligner que selon son milieu social, il y a effectivement des paramètres qui ne rendent pas simple la vie des femmes. Tendre la main à une femme désemparée, qui n’a pas eu les mêmes chances au départ peut être salutaire. On peut changer si quelqu’un nous tend la main. Et cela ne dépend pas d’un milieu social ou culturel. Mais d’une qualité de cœur à cœur…

Nous pourrions créer un pont entre les femmes et les jeunes filles pour leur donner le soutien dont elles ont besoin. Et un pont entre les femmes mûres et les jeunes filles pour partager leurs expériences et s’aider.

Une femme doit trouver le métier et la place qu’elle veut prendre dans la société pour découvrir son identité.

Une femme doit savoir qu’elle peut vivre sans dépendre de qui que ce soit, si c’est son choix. On doit l’aider à devenir autonome dès l’enfance. Et si elle décide d’être une femme au foyer à élever ses enfants, c’est également une vie honorable, si c’est son choix de vie. Ce qui compte, c’est de vivre en accord avec soi. C’est plutôt sain d’être bien dans sa peau pour gérer son foyer et sa vie. Finalement, prendre soin de soi, ce n’est pas égoïste. Au contraire, c’est donner aux autres son bien-être.