Je sens une colère contenue depuis tant d’années (et peut-être même celles des autres femmes), une immense tristesse, noyée dans la fatigue. Je ne sais que faire de ce remue-ménage intérieur. Mon esprit semble naviguer entre deux eaux troubles de lumière et de noirceur. Tout se confond. Je perds pied. Je hais cet état.
Je ne sais pas ce que c’est, que d’être une femme. Il me faut encore une grippe pour me mettre au lit et cette maladie incurable pour m’imposer un changement de vie et me rendre compte des choses ? Observer la femme que je suis devenue ?
Je suis une femme. C’est une évidence de par mes attributs sexuels. Mais, finalement, je ne me connais pas. Juste ce qu’il faut pour vivre dans ce monde d’hommes. Insensible, forte, guerrière, pour me faire accepter ou me battre pour ma place. Mais cela ne me remplit pas de joie. Je n’ai plus envie de lutter ou de fuir. Je veux juste vivre.
J’en suis arrivée à détester les règles, à désirer être un homme. Je déteste être femme. C’est sûr que cela n’aide pas à se sentir bien dans sa peau…
D’autres femmes vivent leur cycle agréablement. Enfin, tellement peu… Je dois en parler avec d’autres femmes.
Je respire souvent en suivant la technique du Pranayama pour aider mon corps au niveau cellulaire. Je sais maintenant que cette respiration peut guérir mon utérus malade. Les cellules entendent les messages du cerveau.
Je considère ainsi mon cerveau comme un ordinateur à qui je donne des consignes. Les cellules obéissent au programme. Il suffit de contrôler les pensées, d’amener la conscience dans l’utérus et de visualiser la lumière. Le miracle peut se produire.
Je sens un relâchement et un nettoyage profond que je ne peux expliquer rationnellement. Je n’irai pas voir de médecin pour lui certifier que cette voie peut sauver des vies, mais j’y crois. Et la croyance fait des miracles, il suffit de regarder la religion.
Alors pourquoi mettre mes croyances dans un Dieu inaccessible, alors que mon cerveau, ce formidable récepteur, peut accomplir des miracles ? Je m’en remets à lui. Au moins, il existe. Je le vois. Je le sens. Je peux le maîtriser en apprenant. Le contrôle de l’esprit existe. Au moins un contrôle utile. J’en ai la preuve, avec cette respiration pranique. Quelle découverte exaltante. Juste en respirant, je vais changer ma vie.
On m’aurait dit cela il y a quelques années, j’aurais rigolé. Mais aujourd’hui, j’expérimente. Mon corps semble une machine incroyablement perfectionnée sous couvert de s’intéresser à elle comme on le ferait pour un logiciel. Regardez l’informatique : n’est-ce pas un ensemble de données, d’informations créant un univers de codes, un langage en soi ? Si. Et le corps ? N’est-ce pas un ensemble de données, d’informations, de cellules, un langage en soi? Aussi. L’aventure ne fait que commencer.
Apprendre à respirer doit me permettre de vivre l’instant présent en évitant de me laisser entraîner par mes pensées. Pourtant, je continue d’élaborer des idées dans mon cortex bouillonnant.
La différence par rapport à ma vie d’avant les initiations, c’est que maintenant, je le sais. Je l’ai vécu. Si les pensées surgissent, il faut revenir au Prana.
Sans attention ni intention, je perds mon temps ! La pensée est tout ! Le Prana (la conscience inspirée) va là où je lui dis d’aller.
Or, si je pense à autre chose, le Prana se disperse. Je perds donc mon temps par rapport à l’intention que j’avais de libérer mes résistances, ces mémoires inscrites au cœur de mes cellules, en les chassant de mon corps par l’action de la lumière. Par la respiration, je retrouve peu à peu l’instant présent, la joie, l’attention, l’intention, l’harmonie, l’équilibre et l’amour.
Je prie, je demande chaque jour ces cadeaux de l’Esprit. Et il est vrai que la colère semble s’atténuer. Elle explose parfois de manière incontrôlée. Parce qu’elle a été si longtemps enfouie, elle trouve une échappatoire pas toujours agréable ou bienvenue pour les autres.
Je passe un cap où je ne supporte plus aucune contrariété. Laissez-moi vivre telle que je suis ! Ne m’ordonnez plus rien, ne me dites plus comment je dois m’habiller, me maquiller, parler, ce que j’ai le droit ou pas ! Stop ! Je n’entends plus aucun interdit ! Je veux me laisser porter par la vie.
Jusque-là, sans m’en rendre compte, je vivais dans une lutte chronique ou alors je prenais la fuite. En résistance ou en échappatoire. Dans la respiration, le temps semble suspendu. Il ne reste plus que l’être. L’instant. La seconde. Cette virgule temporelle. J’arrête de faire, je veux être.