EN QUETE DE SOI - Episode #2 -

La naissance. Naître Fille ou n’être qu’une Fille

« Venir dans ce monde sans avoir été désirée Tu le ressens sans le comprendre, tu es sidérée. Mais une main attrape tes pieds avec vivacité Et te voilà sortie dans ce monde sans désir d’exister. Une fessée pour te souhaiter la bienvenue et respirer Tu aimerais mieux retourner dans ta félicité. »

Tout a commencé avant même que je naisse. Le désir d’avoir un garçon plane souvent dans une famille, comme dans la société, et je n’y échappe pas. En Chine, en Inde et en Afrique, le contrôle des naissances bat son plein. La politique de l’enfant unique crée un fort désir de garçon pour assurer la descendance. Le nombre d’infanticides explose, concernant les filles. En France, nous parlons du choix du roi si un couple a un garçon et une fille.Mais alors deux filles, aucune fierté ? Eh bien, non. Et puis, cette histoire de transmission par le fils, qui l’a décidée? Ne naît-on pas tous d’un ventre maternel ? Je suis née fille, et ma naissance est marquée par une arrivée en siège. J’entre dans la vie à reculons, les pieds en premier. La tête sortant en dernier, la respiration peine à arriver. Je me retrouve à l’envers, passant de l’état aquatique à terrestre, pendue comme un trophée, avec quelques tapes sur les fesses en guise de bienvenue. Et l’on m’arrache très vite à ma mère pour me faire les premiers soins. Syndrome d’abandon garanti, quand l’enfant est séparé trop vite de sa mère… Nous sommes en effet nombreux à être touchés par ce syndrome, qui se manifeste ensuite tout au long de la vie par la dépendance au regard de l’autre, par un besoin d’attention aiguë, au point parfois d’accepter les pires traitements uniquement pour « garder » l’autre, ou de faire passer les autres avant soi pour leur plaire et ne pas les perdre… Voilà un aperçu des conséquences possibles.

La dépendance affective, ce gros morceau de la blessure d’abandon, a sûrement commencé pour moi ce jour où l’on a empêché ce lien entre l’utérus confortable de maman et son ventre. Aujourd’hui, on sait combien il est important de laisser l’enfant sur le ventre de sa mère pour qu’il retrouve la chaleur qu’il a connue durant neuf mois, pour le rassurer, pour qu’il fasse la transition entre son ancien et nouveau lieu de vie. Le syndrome d’abandon va faire partie de moi pendant longtemps avant que je réalise qu’il a pu commencer à ce moment-là précisément, lorsque des mains froides et inconnues m’ont attrapée et m’ont coupée du lien sécurisant maternel pour me donner des soins. Une éternité, pour un nourrisson. J’aurais aimé que l’on m’accueille avec douceur, que l’on me dépose délicatement sur le ventre de maman, que mon papa pose sa main sur mon dos comme pour me rassurer, me dire que tout ira bien, que l’on attende que le cordon ombilical cesse de battre pour le couper, que l’on prenne le temps de recevoir ce nouvel être comme un cadeau, et non pas de manière mécanique. Mais on ne connaissait pas ces choses-là, à cette époque. Question douceur, on repassera! Une forme de violence dès le premier cri. Et la déception de mes parents en voyant le sexe d’une petite fille… Et un début de jaunisse, en prime. J’apprendrai plus tard qu’en médecine chinoise, la jaunisse est corrélée au foie, organe lié à la colère… Alors, déjà en colère à la naissance ? Et ce n’est que le début.

Pourquoi est-ce que je parle de « déception » de mes parents ? Ils avaient déjà donné vie à une première fille, elle aussi plutôt désirée garçon, ma sœur. J’étais la deuxième chance, et ma conception avait été teintée d’un désir encore plus fort d’avoir un garçon. La fameuse envie du choix du roi… Nous pouvons donc imaginer leur déception à la vue de ce bébé de sexe féminin. Je ne condamne ni ne juge leur réaction, bien inconscients des conséquences puisqu’à cette époque, personne n’avait connaissance de l’enjeu prénatal, que je découvrirai moi-même par la suite lors de mon long chemin de résilience.

C’est la kinésiologue Claire Marquet qui m’apprendra un bout de mon histoire, lors de nos séances. Sa capacité à entrer en résonance avec mon ventre la conduira à revenir à l’époque de ma vie intra-utérine, ouvrant ainsi un chapitre essentiel, en m’interrogeant sur ma naissance à travers un travail de mémoire cellulaire dont elle saura décoder les messages.