EN QUETE DE SOI - Episode #40

Une résilience ô féminin

Si je devais condenser ma vie en un chapitre, voilà ce que je dirais.

J’ai traversé la jeunesse et sa fougue au milieu de personnes pas toujours bienveillantes à mon égard. Mon côté garçon manqué me faisait souffrir, je ne sais pas pourquoi je n’arrivais pas à vivre la féminité comme mes copines. La vision de la maternité me rappelait une époque où la femme se consacrait uniquement à son époux et ses enfants, qu’elle le veuille ou non. Ma mère en avait souffert, et je m’étais mise en tête que je ne serais jamais comme elle. Un classique de l’adolescence que de rejeter le modèle familial. Je n’aimais pas mon corps, toujours préoccupée de devenir une autre que moi-même. J’avançais à reculons dans la vie sans avoir de modèle auquel m’identifier. Je me suis perdue de nombreuses fois sur la route, cherchant parfois à imiter un modèle patriarcal.

J’avais si peur de la dépendance à l’homme, du mythe de l’infériorité féminine et de celui du prince charmant, ce sauveur qui résoudrait tous mes problèmes.

Puis j’ai peu à peu dépassé le rôle que mes proches avaient prédéfini, même inconsciemment, pour moi, avant de faire le ménage dans mes relations toxiques. C’était un voyage périlleux.

Fatiguée de lutter pour exister, j’avais un sentiment de perte et un désir ardent de me sentir bien dans mon corps, moi qui l’avais toujours méprisé. J’avais oublié mes rêves pour plaire aux autres sans m’en rendre compte. Changer de vie a été nécessaire. Et un jour, j’ai dit non à cette vie toute tracée selon un modèle patriarcal d’ambition dénuée d’amour. J’ai entendu ma rage s’exprimer tant d’années après avoir été contenue, non verbalisée. Je ne voulais plus me sacrifier pour plaire aux autres.

Je suis donc descendue vers la profonde féminité et remontée vers la profonde masculinité comme une danse alchimique nécessaire pour sentir la complétude de la vie. Je savais que la rupture entre le corps et l’esprit avait eu lieu quand la Déesse Mère avait été rejetée par la religion. J’ai appris à honorer mon corps comme un temple sacré, à faire confiance au mystère, au Divin par le prisme de la nature et de l’Esprit. Le professeur Amrani Joutey, à comprendre l’invisible. Gaël, à vivre pleinement et de manière incarnée notre totalité d’être au féminin masculin. Amma dans ses darshans à sentir l’appel de la Déesse Mère, Marianne Roques, à accepter et guérir mon féminin et mon corps physique. Isabelle Turpin à l’accueillir et l’honorer.

Puis, je n’ai plus senti l’appel. Tout était en moi. Pourquoi aller chercher à l’extérieur ce qui est à l’intérieur ?

J’ai compris que la voie de la féminité, c’était de passer du faire au être. Être accueillante demandait une conscience active et concentrée. J’ai vu que la Mère nourricière existait en moi. Mon salut.

J’avais besoin des autres femmes pour réussir. La sororité m’appelait pour mieux me reconstruire, pour nous aider à évacuer toute la colère accumulée par des années de déni, de silence, d’irrespect, de violences…

J’ai appris à célébrer les saisons, les cycles de la vie nécessaires. Je suis devenue une Femme créatrice et guérisseuse. J’ai dû apprendre à accepter toutes mes facettes, à comprendre la multitude d’aspects qui composait mon être.

Je crois avoir réussi à guérir le masculin blessé par la force créatrice en mettant de l’amour dans les ténèbres, en affrontant mes démons. J’ai accepté de l’aide. Ce côté masculin guerrier devait se transformer. Je me suis apaisée de plus en plus, à force de laisser ce féminin adoucir cette puissance guerrière.

J’ai accepté l’amour de Gaël, cet homme doux, attentionné, loyal et heureux de me protéger, me soutenir. Cet homme nouveau, débarrassé du poids de ses aïeux. À deux, nous sommes devenus plus forts, plus puissants, acceptant enfin les imperfections de la vie, puisque le mal et le bien, le juste et le faux font partie de la vie. Ensemble, nous avons traversé plusieurs crises où nous avons dû dépasser la peur du rejet avec cette envie furieuse de fuir dès que l’insécurité montrait le bout de son nez. Avec cette peur que l’amour me soit enlevé, que je ne le méritais pas.

J’ai appris à respecter mes propres besoins et croire enfin que ce n’était pas égoïste. Même si on nous a enseigné qu’être désintéressées et ignorer nos propres besoins font de nous une bonne personne, ceci active une culpabilité qui empêche de s’épanouir.

Puis j’ai cherché ce que l’on appelle Dieu. Mais en plaçant l’autorité à l’extérieur de moi, je me rendais à nouveau dépendante. Dépendante d’une autorité qui saurait ce qui est juste pour moi. Et si cette autorité vivait à l’intérieur de mon cœur ?

Et si cette croyance appelée Dieu, cet invisible lointain et inaccessible, ce qui renforce le sentiment d’impuissance, vivait en chacun de nous ? Et si nous étions la réponse à nos questions ? Et si Dieu était la somme de Tout un chacun ?

De toute façon, qui peut prétendre savoir ce qu’est Dieu ? Personne. Les humains s’entre-tuent depuis si longtemps pour ce Dieu invisible. Pourtant, l’idée de réunir une communauté autour d’une croyance commune permet la cohésion de groupe, le sentiment de protection, la fraternité. Mais quand un groupe commence à vouloir imposer à l’autre sa religion, où est l’amour déclamé par toutes les religions de la terre ? Est-ce la religion, le problème ? Ou ce qu’en font les gens ?

Si nous croyions suffisamment en nous, ne serions-nous pas capables de nous réunir au-delà des communautés? Nous avons tous besoin de croire. Alors pourquoi ne pas mettre notre croyance dans notre propre potentiel ? Arrêter de nous martyriser, de nous juger ?

Et si on apprenait à aimer notre être, notre culture, notre région, notre pays, notre continent, notre monde, notre planète, notre univers ?

Il est si facile de croire que l’herbe est plus verte ailleurs, alors que nous avons un tel trésor devant nos yeux.

Apprendre à aimer ce qui est, voilà un vrai chemin de réconciliation qui m’a ouvert les yeux à plus de simplicité.

Chacune de nous est amenée à vivre son karma, sa vie, ses épreuves, sa route. Il n’y a pas de chemin unique pour trouver le salut.

Je n’ai pas eu besoin d’une religion pour me dire comment sentir et vivre ma Foi. Je respecte les croyances de chacun.e. Mais on peut être religieux sans sentir la Foi, et vice versa. Nous ne devrions pas nous faire la guerre pour nos religions. Chacun·e peut sentir l’appel du divin en lui, et ce, dans chaque religion. Qui sait si la Source de Tout n’a pas créé toutes ces religions différentes pour nous apprendre la tolérance ? Ce serait une sacrée leçon d’indulgence !

Je sens en moi cette énergie particulière qui habite mon cœur, mon corps, chacune de mes cellules. Comment ne pas observer la magie d’un corps et de la nature sans y voir la perfection ? La perfection n’est pas humaine. Mais bien plus grande que notre mental. Sommes-nous des particules de Dieu Déesse ? Chacun·e de nous contribue à l’ensemble. Pourquoi se battre pour quelque chose d’invisible ? Pourquoi ne pas laisser chacun·e de nous dans ses croyances si celles-ci font du bien, aident à vivre, à grandir sans gêner autrui ?

Il faudrait que l’humanité se débarrasse de ses ennemis jurés : le jugement et la peur. Et pour cela, je n’ai pas trouvé mieux qu’un travail sur la conscience en examinant mon comportement, ma vie, ma relation aux autres et au monde…

Nous ne sommes pas nos pensées. Par contre, nos pensées influencent la matière.

Ce travail intérieur demande du courage parce qu’il y a eu la peur de perdre amis et familles. La crainte du rejet… La peur de changer pour rester dans la norme, être acceptée. La peur que personne ne comprenne. Mais un jour, j’ai vu cette flamme qui brille derrière l’ego : mon âme. Ton âme.

Aujourd’hui, je me sens l’âme d’une « guerrière » pacifique. La guerrière arc-en-ciel.

Je suis mon propre ARC EN JE (archange) entre le monde intérieur et extérieur.

Je n’ai plus peur de vieillir, car j’y vois de la sagesse toujours plus grande, donc davantage de paix. Vieillir sans enfant ne m’inquiète plus, car la solitude éventuelle et l’ennui peuvent devenir de bons compagnons de route nécessaires à l’écoute de ma propre spiritualité. Sans enfant, la vie s’ouvre à une forme de liberté, de curiosité des autres et pas seulement focalisée sur la famille. Femme = mère n’est pas l’unique voie pour se sentir complète.

L’être humain reste bien plus complexe que les rôles qu’on a voulu lui attribuer. Si la maternité n’a pas voulu de moi, le désir trouve toujours son terreau quelque part.

Et puis la mort ? N’est-on pas seul face à la mort ? N’est-ce pas un passage solitaire ? Faut-il faire des enfants pour ne pas être seul ? Il y a tant de raisons qui poussent à être parent. La maladie m’a obligée à me questionner.

Aujourd’hui, je suis en paix avec ma place, ma mission de vie, la femme que je suis devenue, je dirais même plutôt l’être humain détaché du genre, du rôle qu’on a voulu m’attribuer, à l’écoute de mon guide intérieur : le cœur, siège de l’âme. Je regarderai toujours un bébé avec un élan d’amour profond parce que dans son regard, je vois l’immensité de l’univers, la pureté de l’âme, l’amour. Alors oui, je n’aurai pas cette chance de vivre en présence d’un bébé mais je me dis qu’un jour, si cela devient trop pesant, je pourrais toujours me proposer comme câlineuse dans les hôpitaux où les bébés naissent sans maman, ou maman toxico ou malade… Mes bras resteront toujours ceux d’une mère, avec ou sans enfant.

Aujourd’hui, l’endométriose s’estompe peu à peu de ma vie, mais je reste vigilante en continuant à soutenir le corps, l’âme et l’esprit, en prenant ma vie en main, en aidant d’autres femmes à accepter leur histoire, en me donnant les moyens d’être heureuse, en écoutant et accueillant ce qui EST… Je suis passée de dix-huit cachets anti-inflammatoires par lunes rouges à quatre comprimés. J’ai peu à peu cessé de passer une à deux journées au lit pendant les lunes rouges, pliée en deux par la douleur.

Je suis passée du dégoût du sang à la récupération de celui-ci afin de le rendre à la nature pour son incroyable richesse en faveur de nos sols. Cuisiner sainement tout en gardant le plaisir est devenu vital. Changer mon alimentation m’a demandé plus de créativité. J’ai vite trouvé difficile la procréation médicalement assistée, que j’ai vécue, comme un calvaire, comme pour de nombreuses femmes. Pour celles qui franchissent ce cap, bravo, vous êtes courageuses !

Je souhaite à toutes mes sœurs atteintes de cette maladie de garder espoir pour celles désirant enfanter, d’accepter les femmes merveilleuses que vous êtes, même sans enfant pour celles, comme moi, qui n’ont pas été diagnostiquées à temps, ou pour celles qui sont devenues stériles, ou pour celles qui ne voulaient pas d’enfant. L’endométriose ne doit pas être comprise uniquement sous l’angle du problème de maternité, de l’infertilité. Il faut entendre toute la douleur que provoque cette maladie, les difficultés que connaissent ces femmes handicapées par un mal invisible mais bien réel, touchant autant le physique que l’émotionnel…

Une fausse couche et une insémination artificielle ont suffi pour m’éclairer sur mon potentiel à dépasser toutes ces contraintes de la PMA. Et puis, avec le diagnostic tardif, l’âge devenait critique. Je me suis dit que j’étais sûrement destinée à donner vie autrement, à nourrir ma communauté avec la créativité, une sorte de baume, de soin spirituel lorsqu’elle est partagée.

Soigner, accompagner, accoucher de moi-même, être une sage-f-âme pour mon prochain, créer, partager, soutenir, éduquer, guider, écouter, accoucher l’autre dans un regard, un soutien, un sourire, n’est-ce pas aussi l’expression de ma part maternelle ? Je le crois…

Le besoin de me rapprocher de la nature a rendu à mon corps sa véritable place, loin du bitume permanent qui coupe de la terre. Les forêts et bois sont mon refuge, là où je peux laisser hurler la louve en moi, pour me réapproprier mon instinct sauvage et natu- rel. Au creux de la forêt, dans les champs, sur les petits chemins, la vibration de mon corps grandit et la joie l’accompagne. Juste la joie de me sentir vivante.

Les soins, les massages ont apporté le plaisir dans une vie trop rigide jusque-là. J’ai pris soin de moi comme une mère avec son enfant. J’ai laissé mes mains peindre, sculpter, modeler la terre et l’argile, écrire sans fin, juste en laissant l’inspiration se déverser. J’ai pris soin de mon couple, aimé les enfants autour de nous, les femmes et les hommes conscients de ce tournant nécessaire pour un mieux-vivre ensemble, j’ai pris soin des animaux et de la flore.

Aujourd’hui, je me vois de plus en plus devenir une sorte d’être androgyne autonome. Avec l’idée que la fraternité et la sororité devraient s’accoupler pour se fondre dans l’adelphité. En effet, je refuse de diviser ces deux éléments. Je souhaite tant embrasser cette relation nouvelle dans l’histoire de l’humanité : des êtres de deux sexes libres et égaux. L’histoire devrait se transformer.

Le mot fraternité vient d’une époque guerrière, celle de frères d’armes, un concept né à la fin du XVIIIe siècle avec toute la consonance misogyne que l’on peut déceler dans ce mot, même si de grands philosophes prétendent que la fraternité ne rejette en aucun cas les sœurs, donc les femmes. En réaction, à partir des années 1970, la sororité nous appelle. La solidarité entre exploitées crée amour et amitié, et surtout un lien social souvent absent du fait de l’isolement des femmes jusque-là. Cette affinité profonde est le pendant féminin de la fraternité.

Mais encore une fois, la réaction apporte de la résistance. Que ce soit d’un côté ou de l’autre, nous ne sommes toujours pas en paix entre hommes et femmes, frères et sœurs. Nous en avons marre d’écouter encore et toujours le bourreau et sa victime. Il y a encore division. Il faut trouver le mot juste, celui qui réunit et ne divise plus. Pourquoi pas « l’adelphité », terme proposé par le mouvement féministe ? Cet état d’esprit où la sympathie, la solidarité et l’élan vers l’autre entraînent un plaisir à être ensemble en confiance, entraînant ainsi une grande créativité. Et si Liberté, Égalité et Fraternité devenait « Liberté, égalité et adelphité » ?

Mais comme ce mot vient du féminisme, il me paraît important de partager ici mes réflexions sur le mouvement féministe.

Aujourd’hui, pour moi, être féministe, ce n’est pas être contre les hommes. C’est revendiquer les mêmes droits que les hommes tout en gardant notre spécificité de femme. En tant qu’être humain, nous ne devrions pas faire de différences en termes de DROITS, mais voir la complémentarité dans nos différences homme- femme.

Cela m’amène à dire que tant que nous nous définirons d’un côté ou d’un autre, nous créerons de la division. Donc de la résistance. Et donc l’impossibilité de se retrouver.

Hommes et Femmes, nous ne sommes en aucun cas ennemis, mais les parties d’un tout. L’un ne peut exister sans l’autre. Alors pourquoi tant de haine et de mépris face à ce mot « féminisme » ? Pourquoi l’égalité des droits est-elle un problème pour encore autant de gens sur cette planète ? Que ce soit la haine de la couleur de peau avec le racisme, la hiérarchie des espèces avec le spécisme, la guerre des sexes avec le sexisme, la peur rôde toujours dans l’esprit de l’humain. Et là où la peur domine, il ne peut pas y avoir de place pour l’amour. Et nous revoilà au cœur de mon sujet : en traversant nos ombres, nous trouvons la lumière. En traversant nos peurs, nous pouvons en sortir, grandir et aimer…

Je suis un être spirituel traversant une expérience humaine dans un champ de conscience globale, essayant de trouver du sens à ce chaos qu’on appelle la Vie. Je reste un être humain parfaitement imparfait, faisant l’expérience de qui Je Suis, gardant l’œil ouvert, la conscience alerte pour accueillir l’inconnu, là, face à moi, qui ne cessera jamais de changer… Car la seule chose qui ne change pas, c’est le changement…

Alors bonne route à tous et toutes dans ce grand échiquier que sont la VIE et la Mort. Parce que, n’oublions pas que nous sommes nés poussière et retournons à la poussière, une parenthèse éphémère, une virgule temporelle dans cet espace-temps…

Nous sommes des enfants des étoiles avec du calcium dans nos os, du fer dans nos veines, du carbone dans nos âmes, de l’azote dans nos cerveaux… comme les étoiles. Nous sommes des poussières d’étoiles avec un prénom et un nom…

 

Toutes les expériences et les voyages de groupe que j’ai connus m’ont appris à me connaître individuellement à travers le miroir des autres et l’observation de mon propre comportement. Je crois que la libération du papillon approche. Femme chenille pendant toutes ces années, je sens que la chrysalide perce pour laisser sortir les ailes. Le corps est en pleine mue. Il reste encore quelques hésitations, bien sûr. Mais je sais que je suis en train de prendre l’envol que j’ai longtemps cherché. Un envol simple. Sentir la paix intérieure sans attendre quoi que ce soit de la vie, si ce n’est aimer et vivre dans l’acceptation.

Je sais qu’il y aura encore des épreuves, mais je ne suis plus outillée de la même manière. Je ne me sens plus seule. Mais accompagnée par ma propre puissance intérieure qui, si je l’écoute dans le silence de la méditation, sera toujours là pour me guider vers le meilleur choix. Il n’y a plus à douter. Ce poison qui rend la vie floue, comme un bateau sans capitaine. Le capitaine, c’est moi. Et je saurais mener ma barque par vents et marées.

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