« Cher mental, tu n’as rien à faire avec la poésie qui vient d’un monde où tu n’as pas accès. Il faut savoir t’éteindre pour entendre sa musique. »
Comment l’écriture peut-elle apporter tant de réconfort ? Comment la poésie vient-elle d’entrer dans ma vie ? Les livres de poètes et de grands auteurs avaient été ma tasse de thé à l’époque de mes années étudiantes. J’ai oublié l’amour que j’avais durant mes études de la langue française, de la philosophie et des belles lettres. Je me suis perdue dans le monde commercial, pragmatique et ambitieux. La poésie reflète certainement ce que j’ai rejeté : le féminin.
Cette part mystérieuse ouvre la porte à d’autres mondes. Dans cet espace, le silence se remplit de mots. Je me souviens de ma délectation à écrire une dissertation. Pourquoi avoir enfoui mon goût pour les lettres par la suite ? Pour avoir un avenir, me disait-on ! Je suis allée en faculté de langues vivantes sans savoir ce que j’allais faire. Et finalement, j’avais laissé tomber les études pour me lancer dans le monde du travail car je voulais réussir… Même si j’étais révoltée, je devais me prouver que je pouvais réussir selon la norme.
J’ai mis des années pour retrouver ce goût des lettres que j’avais perdu. Pour m’autoriser à devenir ce que j’étais depuis le début.
L’écriture m’apaise. Bizarrement, une pause cérébrale. Exceptée pour rédiger un plan ou faire des corrections, seuls moments où je perds en spontanéité. Si j’ai trop de contraintes de style, si je cherche un plan, une méthode, l’essence de cet art se liquéfie, passant en mode analytique. La magie disparaît pour laisser place à l’intellect. Guerre des hémisphères. Je préfère l’irrationnel. Moins fatigant.
Ce mental prend trop de place. S’il fallait que j’écrive pour respirer, alors j’écrirais tous les jours pour rester en vie. Car ce mental m’étouffe sous ses pensées, sous son censeur. Parfois je lui parle. Et je lui dis ce genre de choses : « Laisse vivre mon cerveau créatif. Laisse-lui prendre sa place. Et oublie-moi. Je suis lasse de t’entendre du matin au soir. Des milliers de pensées depuis des années. Cher mental, tu n’as rien à faire avec la poésie qui vient d’un monde où tu n’as pas accès. Il faut savoir t’éteindre pour entendre sa musique. Un cerveau cartésien ne peut atteindre cette sphère spirituelle. Or, tu vis dans le cerveau cartésien. Et tu prends trop de place. Je ne peux pas me frayer un chemin vers le ciel quand tu gigotes, tu parles fort, te défendant comme un fou par peur de ne plus exister. Mais n’aie crainte, tu auras toujours ta place pour les tâches qui t’incombent. Pour le reste, oublie-moi. »